LE PORTRAIT

Une petite fille de sept ans observait son grand-père en train de réaliser un portait de sa maman. Elle allait chez ses grands-parents une fois par semaine, le samedi. Elle aurait aimé, elle aussi, dessiner sa maman. Elle demanda alors à son grand-père si elle pouvait essayer. Son grand-père, enchanté de cette initiative, lui donna une petite toile, déposa les trois couleurs primaires sur une palette : du magenta, du cyan et du jaune et lui donna trois pinceaux. La petite fille commença à tracer quelques traits, mais ce n’était pas à la hauteur de ce que faisait apparaitre son grand-père. Elle était quelque peu abattue. Découragée. Par ailleurs, elle avait mélangé toutes les couleurs, et sa palette n’était maintenant plus qu’un immense champ désolé d’une couleur de terres incultes. Son grand-père s’en aperçut : il lui fournit une nouvelle toile et une nouvelle palette. Et il lui déclara gravement : – le fameux peintre Pierre-Auguste Renoir a dit un jour : «  Ce dessin m’a pris cinq minutes, mais j’ai mis soixante ans pour y arriver ». N’oublie jamais cela. Et il retourna à son portrait. 

 

La petite fille s’appliqua, et cette fois-ci, elle ne mélangea pas toutes les couleurs. Elle essaya de nouveau : le portait ne ressemblait certes pas à sa maman mais au moins, il n’était pas d’une teinte unique – un triste et morne marron mais pétillait de couleur vives et soutenues. Après avoir achevé son premier portrait, la petite-fille commençait à esquisser quelques pas pour sortir de l’atelier de son grand-père, lorsque ce dernier la stoppa, lui expliquant qu’il fallait nettoyer. Elle regarda la palette maculée de peinture, le verre rempli d’une eau trouble, visqueuse et les pinceaux sales. La petite-fille soupira. Elle n’en avait guère envie. Mais elle avait un peu peur de son grand-père, alors elle le fit.

 

La semaine suivante, elle sollicita l’aide à son grand-père, pour la réalisation d’un portrait. Il lui indiqua que lorsque l’on débutait, il était préférable de commencer par un portrait en noir et blanc, avec des crayons de papier. Et il lui donna une feuille de papier canson. Elle demanda si elle ne pouvait pas plutôt utiliser des fusains. Son grand-père sourit et lui dit : « Pourquoi pas ! ». Puis, la fois suivante, elle souhaita s’entrainer avec le mannequin de bois articulé. Quelques mois plus tard, elle passa à la couleurs, avec des crayons de couleurs, des feutres et de la gouache. Elle apprit à mélanger les couleurs. A les maitriser. Afin d’obtenir la plus belle des harmonies dans ses tableaux. Elle mémorisa que le jaune et le cyan donne du vert. Du jaune et du magenta du orange. Du cyan et du magenta du violet…

 

Au fil des années, son grand-père lui enseigna les différentes étapes pour réaliser un portrait. Dessiner l’axe du visage, puis les éléments principaux du visage : les yeux, la bouche, le nez, dessiner les cheveux… Elle exécuta des portraits assis, de dos, de face, de profil, de trois-quarts, en pied, en buste. Elle travailla sur les traits du visage, les gestes… Sur les vêtements, les accessoires, l’environnement… Mais aussi sur la description morale, qui tente de faire comprendre le caractère du personnage et les sentiments qui l’agitent. Il l’éclaira sur les différentes fonctions du portrait : immortaliser un modèle, le célébrer, le caricaturer ou inventer de nouvelles techniques. Portrait d’apparat et de propagande. Portrait intime. Portrait de groupe. Autoportrait. Portrait psychologique. Portrait à charge ou caricature. Portrait allégorique. Elle s’entraina beaucoup. Sa main s’habitua à répéter les mêmes gestes jusqu’à ce que cela devienne un automatisme. Elle ne se faisait plus prier pour nettoyer le matériel après avoir peint, c’était une besogne nécessaire et elle y prenait même un certain plaisir. Cet effort venait clore un travail accompli, terminé, achevé. 

 

Après des années de pratique, après avoir observé son grand-père, après avoir étudié dans différentes écoles d’art, après avoir couru les musées du monde entier, après s’être donné corps et âme, elle persévéra, encore et encore. Et avec une ténacité sans faille et un travail acharné, elle devint une peintre reconnue.