Elle n’était pas d’humeur riante. Sa mère lui avait demandé de se rendre à la boucherie, pour y faire quelques commissions. Elle attendait depuis deux plombes, avec juste derrière elle ce foutriquet de Jean-François et ce branquignol de Christophe. Deux margoulins, première classe. Sûr qu’ils allaient lui tenir la grappe, ces deux-là. Elle était en salopette, violette, avec des pois noirs. Lorsque son tour arriva enfin, elle passa commande. Le père Pellet s’occupait de la découpe de la viande, la mère Pellet encaissait.

Elle considéra la note : elle était maintenant d’une humeur plus que massacrante.

– Eh mais dites donc, vous essayer de m’empapaouter, s’exclama-telle en s’adressant à la bouchère. 110 francs pour quelques godiveaux et des cagouilles au piment d’Espelette ?!

Le boucher commença à rouspéter et à déblatérer, ses lèvres roses remuant dans sa barbe hirsute, sur ces satanés clients de plus en plus enquiquinants.

Le branquignol intervint d’une voix discordante.

– Elle a raison, m’sieur, c’est de l’escroquerie, ces tarifs-là. De l’arnaque ! Du vol !

– Oh ! Putain, mais c’est quoi cette voix, se dit-elle en son for intérieur, encore plus exaspérée, on dirait la Castafiore…

– Et le branquignol lui fit de grands salamalecs avec ses bras, comme une révérence…

Mais où je suis, rumina-t-elle…

Elle fit une moue dégoutée, paya et sortit de ce cauchemar en rouge et blanc, avec ses morceaux de viandes morts dans les étals réfrigérés, ses jambons suspendus et sa vitrine aux images de vaches broutant paisiblement.